Aujourd’hui je vais vous parler de deux expériences de dessin consécutives et radicalement différentes. On commence par le soft : Je désespérais depuis longtemps de choper une place dans l’une des séances parisiennes du Dr Sketchy (suivez le lien pour savoir de quoi il retourne). Une séance de dessin avec du modèle vivant dedans, mais en costume chatoyant et ébouriffant dans une ambiance trop sympa. Un rêve pour tout dessineux qui se respecte, parce qu’il ne s’agit pas que de l’académique mais aussi de rêve et d’inspiration mis en scène pour nos crayons. Et…. ah sacré Univers qui a une oreille bien tendue de mon côté, j’ai eu une place !! (et une place de parking juste devant le lieu du show, mais ça n’a rien à voir, ça fait juste plaisir au passage).
J’arrive presque pile à l’heure au Musée Henner à Paris et je suis accueillie par de charmantes jeunes filles à l’entrée. Rien que le lieu déjà, ça donne envie de chuchoter et d’ouvrir grand les yeux. Nous sommes installés dans une grande salle du musée, éclairée par une verrière au-dessus de nos têtes, avec une scène au bout devant une belle cheminée. Le décor est posé, le thème de ce soir est « Au bonheur des dames » d’après le roman d’Emile Zola. Nous avons des tentures magnifiques, des réclames pour des corsets, des châteaux à plumes et de splendides corsets exposés comme si nous étions dans ce fameux magasin d’époque (et j’adoooore les corsets). Les premiers arrivés remplissent déjà les 4 premiers rangs de chaises en bois (d’époque aussi ?), et je m’installe à l’arrière, entre deux rangées de dos. Je ne vois pas le bas de la scène, mais ça devrait faire l’affaire. Question ambiance, on zappe le côté festif ou la connivence entre aficionados du crayon, tout le monde est calme, installe son carnet ou commence déjà à crayonner le décor, on va donc se la jouer studieuse.
Après le petit mot d’accueil de l’organisatrice, les deux premiers modèles arrivent, s’installent et prennent la pose. Il s’agit là de reproduire le moment où la dame de qualité est prise la main dans le sac par une petite vendeuse en train de voler un article. Les crayons s’activent, certains ont sorti l’aquarelle, on n’a que 5 minutes de pose avant que ça ne change de position. Bon… je me dis que c’est l’échauffement, donc normal que ça soit court, mais ces magnifiques costumes bourrés de dentelles, c’est quand même frustrant de ne pas pouvoir les détailler proprement.
Les poses s’enchainent, rythmées par de la musique tanto rétro tanto contemporaine plutôt rock, et ça transpire à grosses gouttes sur les carnets. Deux autres modèles arrivent, en costume de riches clientes, et là c’est une scène de « jour de solde » qui se joue sous nos crayons. Toujours 5 minutes de poses et la frustration qui grandit de ne pas pouvoir achever ne serait-ce qu’un personnage en entier avec au moins un peu de détail. Déjà au cours du vendredi, on n’a qu’un seul modèle et on peine à le traiter en 10 minutes, mais 2 c’est mission impossible (en tout cas pour moi). L’échauffement commence à porter un peu ses fruits, j’arrive à poser au moins le deuxième personnage en traits grossiers.
Deux autres modèles, robes et chapeaux à couper le souffle, remplacent les précédentes et cette fois-ci on nous annonce 10 minutes de pose… Je change d’outil et tente le pinceau à réservoir et le graphite compacté. J’ai découvert ça il y a quelques jours seulement, donc je ne suis pas sûre de pouvoir le maîtriser suffisamment pour dessiner en si peu de temps, mais tant pis. Et là c’est la magie, je gagne en rapidité, le graphite liquéfié à l’eau rend les aplats plus rapides et plus fluides, ça me laisse du temps en rab pour mieux appréhender les visages et quelques détails. J’ai l’impression d’être en plein marathon. La séance s’achève, (attention je défiltre le langage) j’ai super mal au cul à force d’être scotchée sur cette chaise en bois !! J’ai l’impression que c’est passé à la vitesse de l’éclair et qu’on n’en est qu’au début. Mais non, tout le monde lève le camp et s’en va sans même discuter un peu ou se montrer les dessins. Un peu déçue par rapport à ce que j’avais imaginé comme ambiance (comme quoi ce qu’il y a sur youtube….), je suis quand même ravie d’avoir pu vivre cette expérience. J’ai mon billet pour une séance à Sydney cet été (ouais bande de jaloux, je vais en Australie les gars !) et à priori l’expérience promet d’être encore plus excitante (avec de beaux fauteuils Chesterfield dans un ancien café-théâtre, il y a moyen de soigner un peu mon postérieur).
Mes dessins des poses de 10 mn :
Le lendemain, je vais à mon cours de dessin du vendredi soir avec Charlotte. Ah c’est toujours un plaisir de la retrouver ! Cette fois, le cours porte sur l’étude des jambes (et par extension du fessier…). Petit cours théorique au tableau où les noms des muscles, tendons et os, me traversent le cerveau en y laissant, je l’avoue, que peu de traces (pas grave j’ai tout noté). Alors là, tu comprends pourquoi, à chaque fois que tu dessines un homme, il a l’air d’avoir un corps efféminé, c’est tout connement parce qu’on n’est pas foutus pareils ! (ok ok ce n’est pas une découverte pour moi rassurez-vous, je suis quand même maman d’un grand fiston, donc je sais comment ça marche).
L’os là qui dépasse, recouvert de gras chez les filles, pas chez les hommes qui l’ont ailleurs toussa toussa…. Bon ok mais quelles gambettes allons-nous étudier ce soir ? Celles de Cyril qui arrive, tout joyeux, dansant plus que marchant dans l’atelier (normal, il est danseur). Sans vouloir offenser les modèles que nous avons eu jusqu’ici, je dois dire que je suis plutôt ravie… et en un clin d’œil le voilà tout nu ! J’ai une pensée amusée pour Julie, assise en face de moi de l’autre côté du modèle. Nous avons récemment découvert toutes les deux que nous étions collègues de boulot et élèves dans le même cours du vendredi ! Le fait qu’on ait passé tout ce temps sans se reconnaitre est assez étrange et amusant, mais imaginez maintenant nos conversations à la machine à café, parlant de nos dessins de fesses…..
Alors voilà Cyril, je suis ravie d’avoir pu dessiner ton « vaste externe », ton « grand couturier » et l’ombre sous ton « trochanter », mais même si les artistes/dessinateurs ont un regard clinique sur leur modèle, j’avoue avoir remercié profondément en pensée Charlotte de nous avoir abreuvé de thermes techniques et médicaux pour nous focaliser sur la construction et les hachures de tes cuisses…. Sinon j’aurais bien été tentée de te croquer autrement qu’avec un crayon !
Le prochain cours sera sur la morphologie des pieds… Il y a des fétichistes dans la salle ?